Face au REACH, les tatoueurs saisissent la justice européenne !
(mise à jour 22/08/2024)
90 millions de personnes tatouées et au moins 150 000 tatoueurs professionnels (1) subissent aujourd'hui un Règlement européen infondé, incohérent et illicite.
L'HUMANITÉ TATOUE DEPUIS LA NUIT DES TEMPS
Véritable phénomène de société depuis le début du 21ème siècle, la pratique du tatouage a des racines ancestrales et n'a jamais connu de frontière : Son histoire (2) est faite de voyages et d'échanges millénaires entre toutes les cultures du globe.
Le 10ème Art, aujourd'hui omniprésent dans les médias, doit sa richesse à cette histoire et à l'explosion créative des 40 dernières années. Dans cette période, les fabricants du monde entier ont redoublé d'efforts pour répondre aux nouvelles exigences de cet art vivant : Obtenir une palette de couleurs variées et une texture optimale pour une tenue du tatouage dans le temps... Tout en limitant les risques d'allergie.
Munis de ces pigments éprouvés, les artistes tatoueurs n'ont jamais été aussi créatifs qu'aujourd'hui, faisant émerger sans cesse de nouveaux styles, inspirés des anciens et de leurs contemporains. Leur popularité n'a d'égale que la diffusion de leur art jusque dans les musées du monde entier.
L'UNION EUROPÉENNE MÉNAGE LE GLYPHOSATE, PAS LES ENCRES DE TATOUAGE
Contrairement aux cosmétiques ou à la plupart des produits chimiques, les encres de tatouage constituent un modèle à part : On introduit dans la peau une dose limitée d'encre fixée à vie, et il n'y a alors plus d'exposition répétée à de nouvelles doses. À ce jour, le recul sur le terrain n'a relevé aucun effet toxicologique qui serait plus élevé chez les populations tatouées comparativement aux non-tatoués : La littérature scientifiques des 25 dernières années n'a jamais trouvé un cas de cancer qui pourrait être lié au fait d'être tatoué. (3)
Ce constat de fait ne satisfaisant malheureusement pas les instances européennes, elles ont demandé à l'Agence Européenne des Produits Chimiques (ECHA) d'évaluer la nécessité - ou pas - de restreindre certaines substances dans les produits de tatouage...
Le rôle et le fonctionnement de l'ECHA sont largement controversés : Soupçons de conflits d'intérêt, méthodologies et études douteuses, inefficacité des mesures prises... L'ECHA a refusé, contre l'avis de l'Organisation Mondiale de la Santé et malgré d'innombrables recherches dont celle de l'INSERM en 2021, de classer le glyphosate parmi les substances cancérogènes (avérés).
L'ECHA a, en revanche, préconisé (entre autres) l'interdiction de 27 pigments dans les encres de tatouage, sur la base de... Suppositions, incertitudes, approximations et extrapolations : Ses préconisations ont pris la forme d'un rapport de plus de 500 pages dans lesquelles on ne trouve ni évaluation toxique, ni modèle in vivo, ni analyse scientifique, ni démonstration du risque, ni alternative, ni même les qualifications des rédacteurs du document, puisqu'on ignore leur identité. (4)
C'est sur la base de cet unique rapport que Mme Ursula VON DER LEYEN a signé le Règlement REACH interdisant 27 pigments et limitant drastiquement de nombreuses substances contenues dans les encres de tatouage. (5)
REACH SÈME LE CHAOS EN EUROPE
Les professionnels du tatouage ont toujours fait preuve d'un souci de santé publique, et pour cause : Ils tatouent leurs proches, leur amis, leur famille, leurs enfants... Et sont eux-mêmes tatoués. Ce n'est pas un hasard si, partout dans le monde, les tatoueurs se sont imposés des règles d'hygiène exigeantes bien avant que les législateurs nationaux ne s'en préoccupent (6). Ils sont donc les premiers à refuser d'utiliser tout produit qui pourrait mettre en danger la santé de leurs clients, et la leur.
Mais pour la Commission Européenne, qui se prévaut d'un objectif de gain de transparence et d'amélioration de la sécurité, le seul principe de précaution justifie d'imposer les restrictions arbitraires du Règlement REACH aux encres de tatouage. Plus de deux ans après son entrée en vigueur, les faits montrent que REACH a généré l'effet inverse de l'objectif affiché (7) : Produits non remplacés (8), apparition de pigments inconnus, difficultés à identifier les produits conformes/non conformes, réticences des professionnels à tester les nouveaux produits sur leurs clients, incompréhensions sur l'étiquetage (apparition de substances interprétées comme "nouvelles" : nickel, etc.)... Et La plupart des produits vendus "conformes REACH" ne le sont pas en réalité !
Désormais, dans les pays membres de l'UE, c'est surtout la politique de l'Autruche qui s'applique : Les tatoueurs expérimentés ne veulent pas des nouveaux produits REACH, ils continuent de se fournir en encres "traditionnelles" (non conformes REACH) hors de l'Union Européenne... Et vivent dans l'angoisse d'un contrôle.
APRÈS LA VOIE POLITIQUE, LA VOIE JURIDIQUE
La communauté professionnelle s'est largement mobilisée en France et en Europe : Échanges avec les élus et les conseillers des ministres (jusqu'à l'Elysée en France ! (9)), pétitions officielles (10), intervention des communautés scientifiques (notamment via l'ESTP - European Society of Tattoo and Pigment research) (11)... La situation reste au point mort, avec le refus de la Commission Européenne de répondre de ses manquements à deux obligations : l'évaluation préalable des risques et l'identification de solutions de remplacement aux produits devenus de fait interdits. (12)
Notez bien que le Règlement REACH imposé aux encres de tatouage artistique ne s'applique pas aux encres "médicales" (= dispositifs médicaux) : Si les pigments bannis pour les tatoueurs le sont au prétexte de leur nocivité, comment expliquer qu'on autorise les médecins à les utiliser... Si ce n'est une "simple" violation du principe d'égalité ? On n'ose imaginer que la Commission Européenne permette volontairement aux médecins de nuire à la santé publique !
La voix "politique" des tatoueurs serait-elle inaudible pour les institutions européennes ?
Leur force de lobbying est bien loin de rivaliser avec celle des industries chimiques : Quel autre choix ont-ils donc, aujourd'hui, que de saisir les juges ?
Le Syndicat National des Artistes Tatoueurs et des professionnels du tatouage, qui oeuvre en France depuis 2003, s'est tourné vers Maitre DI VIZIO sur ce dossier en 2023. (13)
L'avocat et le syndicat ont patiemment documenté un projet de Requête auprès de la Cour de Justice de l'Union Européenne au nom du SNAT, assortie du recours individuel de 200 tatoueurs européens, lesquels peuvent être encore rejoints par de nouveaux recours*.
[Texte de la requête disponible sur demande à contact@snat.info]
APPLICATION ABUSIVE DU PRINCIPE DE PRÉCAUTION
La Commission Européenne l'a elle-même rappelé dès 2000 (14) : "Les mesures basées sur le principe de précaution ne devraient pas être disproportionnées par rapport au niveau de protection recherché et vouloir atteindre un niveau de risque zéro qui n’existe que rarement."
Or, dans le cas du REACH appliqué aux encres de tatouage, aucun des principes généraux invoqués en 2000 n'a été respecté : proportionnalité, non-discrimination, cohérence, examen des avantages et des charges résultant de l’action ou de l’absence d’action, ré-examen de l'évolution scientifique !
De fait, l’interdiction de 27 pigments équivaut à une interdiction abusive, infondée, et surtout disproportionnée : La mesure d’interdiction est inadaptée à la protection de la santé publique, dès lors qu’aucune étude scientifique ne permet de mettre clairement en lumière l‘impact nocif du tatouage sur la santé humaine. Cette interdiction générale et absolue a pour conséquence de nuire gravement à liberté d’exercice des professionnels du tatouage.
Cette démarche incohérente va jusqu'à violer le principe d’égalité puisque les professions médicales sont autorisés à continuer d’utiliser ces mêmes pigments... Sont-ils alors réellement dangereux ? En quoi une discrimination à l'égard des professionnels du tatouage peut-elle se justifier ?
À l’appui du recours du SNAT et de chaque professionnel ayant demandé son propre recours, la requête invoque ainsi 3 moyens (15) :
Premier moyen, tiré de l’absence d’évaluation des effets sur la santé
Les requérants font valoir que les rapports utilisés pour mettre en doute la sécurité sanitaire des encres ne sont basés que sur des approximations et des suppositions douteuses, ils ne font état que de risques incertains de cancer. En effet, aucune étude épidémiologique ne fonde ces suspicions et ne fait état d’aucune relation de cause à effet à large échelle entre tatouage et cancer. Ils font, en outre, valoir qu’il n’existe aucune étude permettant de mettre en lumière l’existence d’un lien de causalité entre le tatouage et le cancer de la peau. Ils soulèvent aussi qu’aucune étude scientifique ne permettrait de caractériser la migration des nanoparticules dans le corps, qui restent figées dans le tatouage, ou leurs effets à court ou moyen terme.
Deuxième moyen, tiré de l’atteinte au principe d’égalité
Selon les requérants il aurait été interdit aux professionnels du tatouage d’utiliser 27 pigments alors que les professionnels de la santé qui utilisent ces mêmes produits, ne seraient pas frappés de la même interdiction.
Troisième moyen tiré de l’atteinte à la liberté d’entreprendre
INDEMNISER LES PROFESSIONNELS ET ANNULER LE RÈGLEMENT
Dès lors que le lien de causalité pourra être établi entre le règlement visé et les préjudices financiers, matériels et moraux subis par les tatoueurs, chaque recours demande à :
- indemniser les requérants pour ces préjudices (= 30 000 euros pour le préjudice financier (CA + image) + 10 000 euros pour le préjudice matériel (obsolescence du matériel) + 10 000 euros pour le préjudice moral - NB. Montants à moduler individuellement et sous réserve des éléments comptables justifiant les pertes de CA)
- écarter l'applicabilité du règlement pour son illégalité ou enjoindre toute mesure pour parer à son illégalité ;
- annuler le règlement pour illégalité ;
- condamner la Commission européenne (incluant 5000 euros pour frais de justice).
La requête du SNAT ayant été déposée en avril 2024, le recours initial a été introduit le 31 mai 2024 (15), avec pour premier requérant Tin-tin, président du SNAT.
Une réponse de la Cour pourrait être attendue avant la fin de l'année 2024.
Les demandes de recours individuel restent ouvertes !
Tout professionnel du tatouage exerçant dans un pays membre de l'Union Européenne peut se joindre à cette action :
* Pour un coût individuel facturé 120 euros **, envoyez à contact@snat.info :
1️⃣ Vos nom et prénom(s)
2️⃣ Studio (ou nom d'artiste/professionnel)
3️⃣ Ville
4️⃣ N° de téléphone
5️⃣ E-mail
**Montant facturé par le cabinet Barok Avocats (pour Maître DI VIZIO).
Le SNAT saisit la justice européenne pour les encres de tatouage
The SNAT is taking legal action over tattoo inks
Contacts presse :
SNAT / BAROK Avocats
contact@snat.info / fdv@barokavocats.com
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Notes / Pour en savoir plus :
(1) Estimations d'après sondages français et internationaux, évaluations des associations professionnelles européennes et des distributeurs français.
(2) Cf. notamment sources bibliographiques
(3) Voir notamment les analyses et revues du Dr Nicolas KLUGER à ce sujet.
(4) Annex XV restriction report + Lecture critique et détaillée du rapport par Alexia CASSAR pour le SNAT, disponible sur demande à contact@snat.info
(5) Règlement (UE) 2020/2081 du 14 décembre 2020 modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) no 1907/2006
(6) Par exemple, en France, la règlementation sanitaire définie en 2008 est inspirée des de la charte professionnelle proposée par le SNAT dès 2003.
(7) Encres de tatouage : Chronique d'un chaos annoncé
(8) EU’s Ban On Tattoo Ink: Breaking Down the Chemistry
(9) Lettre au Président de la République... Et réponse !
(10) Pétition européenne pour les encres de tatouage
(11) ESTP Research
(12) Legal assessment about REACH regulation for the Council of European Tattoo Associations
(13) Risque sanitaire : les tatoueurs français portent plainte contre une réglementation de l’Union européenne
(14) Communication de la Commission sur le recours au principe de précaution
(15) Recours introduit le 31 mai 2024 – Syndicat National des Artistes Tatoueurs et des professionnels du tatouage et [Tin-tin]/Commission (C/2024/4971)
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Lien vers cette page :
http://www.snat.info/articles/146497-pourquoi-les-tatoueurs-saisissent-la-justice-europeenne
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