Lettre au Président de la République... Et réponse!
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Paris, le 13 décembre 2021
Monsieur le Président de la République,
Restant à ce jour sans réponse de notre Ministre de tutelle pour le cadre sanitaire de nos pratiques, je sollicite votre attention sur notre art et notre profession, dont l’avenir à court terme est directement menacé par les règles du jeu européen, impliquant aussi la santé de près d’un adulte sur cinq.
Lors de votre discours du 26 septembre 2017 pour une Europe souveraine, unie et démocratique, vous avez notamment évoqué, parmi les exigences des Européens, la « confiance dans les aliments et les produits qu’ils utilisent au quotidien » et « la nécessité d’évaluation scientifique européenne plus transparente, plus indépendante, d’une recherche mieux financée qui permet d’évaluer les risques et de proposer des alternatives. »
À partir du 4 janvier 2022, un Règlement européen, dont l’objectif affiché est de renforcer la sécurité des encres de tatouage, va pourtant dépasser et inverser la logique de protection souhaitée par la communauté européenne, sans qu’aucune évaluation scientifique ayant conduit à ce Règlement n’ait permis d’évaluer concrètement les risques liés aux pigments que nous utilisons depuis des années sans problème majeur, ni qu’aucune alternative n’ait été proposée en amont.
En l’absence de données de sécurité, la Commission européenne s’est fondée sur la documentation relative aux cosmétiques, en la complétant d’extrapolations et d’approximations en matière de tatouage : Personne ne s’est intéressé à la question du tatouage en toxicologie. L’Evidence Based Medicine, depuis plus de 20 ans et dans ses rapports les plus récents, a montré qu’il n’existait aucun lien entre cancer et tatouage.
Pourtant, dans moins de trois semaines, l’ensemble des produits de tatouage utilisés aujourd’hui en toute sécurité depuis des années par des dizaines de milliers de tatoueurs professionnels, appliqués sur des dizaines de millions de personnes tatouées à travers l’Europe, deviendra illicite. Sans aucun doute convaincue de prévenance, la Commission européenne avait accordé un délai de 12 mois aux acteurs de la chaîne d’approvisionnement pour satisfaire à l’interdiction de 25 pigments et des restrictions touchant plus de 4000 substances : 5 à 10 ans sont nécessaires pour élaborer et éprouver une encre de tatouage sûre et stable… La même attention a conduit la Commission à concéder un délai supplémentaire de 12 mois pour bannir 2 pigments de plus dont l’unique tort est une absence d’évaluation de sécurité : Aucune alternative technique n’existe pour remplacer ces pigments, 12 mois de plus ou même 10 ans n’y changeront rien.
En 2020, dès les premiers moments de la crise sanitaire et de pénurie de matériels de protection, les tatoueurs ont fait preuve de solidarité en donnant leurs masques, leurs gants et leurs produits d’hygiène, qu’ils ont du racheter à prix d’or peu de temps après. Privés de leur art et de leur travail pendant plusieurs mois, ils ont suivi les règles, appliqué les protocoles, perçu difficilement des aides de l’Etat, quand ils ne se sont pas vus répondre un refus incompréhensible. Le tatouage clandestin s’est renforcé à la faveur de cette crise et semble déjà s’être banalisé. Nous n’avons pas même eu le temps de retrouver une activité solide qu’un Règlement européen vient nous priver de notre matière première, sans aucune justification scientifique sérieuse.
À la Sorbonne en 2017, vous avez également rappelé, dans votre vision de l’Europe : « C’est la science qui doit éclairer la dangerosité mais qui doit ensuite, de manière indépendante, transparente, indiquer des alternatives possibles scientifiquement démontrées. » Les décisions prises contre les produits de tatouage sont aux antipodes de cette pensée. Je dis bien « contre », car si j’ai toujours manifesté mon intérêt pour encadrer nos pratiques, les rendre toujours plus sûres et plus transparentes, je ne peux concevoir que cette règlementation puisse apporter, en l’état, un quelconque bénéfice à la santé publique, et moins encore à l’art du tatouage. En l’absence d’un nouveau débat au Parlement européen et d’une réaction de la Commission européenne et des États membres, c’est le retour à la clandestinité et l’usage illicite de produits dissimulés qui risquent de définir le tatouage en Europe, avec toutes les dérives sanitaires et économiques qu’on connait. Un comble à l’heure où tout est mis en oeuvre pour lutter contre une pandémie de Covid, et où la France se revendique en start-up nation.
Au moment même où le Règlement européen qui nous touche entrera en vigueur, la France exercera la Présidence française du Conseil de l’Union européenne. Nous ne doutons pas que cela peut être l’occasion pour elle d’encourager le débat sur ce dossier. Une pétition européenne a déjà permis de retenir l’attention de la Commission de l’Environnement : Ayant vaillamment rassemblé plus de 171 000 signataires malgré une procédure d’inscription qui semble avoir été paramétrée pour décourager un soutien massif, ce chiffre reste historique dans l’histoire des pétitions enregistrée auprès du Parlement européen. Ce sursaut démocratique mérite d’être appuyé par les Etats les plus influents de l’Union Européenne, France en tête.
Ayant encore confiance en votre bienveillance, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de ma très haute considération.
Tin-tin, président du S.N.A.T.
Syndicat National des Artistes Tatoueurs et des professionnels du tatouage
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