Norme européenne : Quelles conséquences sur les activités de tatouage ?
NB. Cet article est proposé à titre indicatif, et ne saurait se substituer aux informations communiquées par la commission française de normalisation ou l'AFNOR.
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Comme pour tout événement susceptible de chambouler nos habitudes, la Norme européenne "Tatouage - Bonnes pratiques d'hygiène et de salubrité " - publiée en février 2020 - fait l'objet de nombreuses interprétations et de commentaires.
Au terme de 5 ans de travaux au sein de la commission française (organisée par l'AFNOR), il est utile de rappeler le processus de la norme et de répondre à certaines interrogations.
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1° QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE UNE NORME ET LA LOI ?
Une norme n'est pas une loi : C'est un document technique élaboré par un groupe d'experts et validé sur accord (= consensus) de l'ensemble de ce groupe, moyennant des arguments objectifs et/ou documentés (scientifiques si nécessaire).
Le consensus défini au niveau national, puis au niveau européen, aboutit à la norme européenne, traduite en norme française (entre autres).
Cette norme peut, selon les pays :
- être un outil de certification pour les professionnels souhaitant s'y conformer et disposer d'un "label" assurant à leurs clients le respect de la norme,
- servir de référence aux gouvernements souhaitant définir, compléter ou faire évoluer leur propre réglementation,
- devenir obligatoire, par exemple lorsque les pays ne disposent d'aucune règlementation dédiée aux pratiques de tatouage.
En France, où on dispose déjà d'une réglementation sanitaire depuis 2008, la norme est volontaire, et n'est donc pas d'application obligatoire à ce jour.
Le Ministère de la santé pourra faire évoluer notre propre règlementation dans les mois ou années à venir en se référant à cette norme, mais personne ne peut savoir à ce stade dans quelle mesure la norme constituera dans le futur une référence sur le territoire français.
En attendant une éventuelle évolution de notre réglementation actuelle, chaque professionnel du tatouage pourra volontairement se prévaloir de la conformité de son établissement à la norme, selon différents moyens (voir plus bas).
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2° D'OÙ VIENT LE PROJET DE NORME SUR LES PRATIQUES DE TATOUAGE ?
En 2014, l'Allemagne, sur l'impulsion des responsables de la DOT (association de tatoueurs allemands) et de l'UETA (organisation européenne basée sur la DOT), a proposé la création d'un comité européen de normalisation (CEN) afin de travailler sur un projet de "bonnes pratiques".
Cette initiative a enclenché un processus auprès de l'ensemble des pays européens afin de déterminer quels pays étaient prêts à travailler ensemble sur un tel projet : La France a débattu pendant plusieurs mois sur l'opportunité de s'associer ou non aux travaux de normalisation AFNOR, en sachant qu'ils se feraient avec ou sans elle.Il faut savoir que chaque pays dispose de son "AFNOR", organisme équivalent ou groupe de travail national : Les participants - volontaires - aux différents commissions nationales sont ainsi d'horizons variés selon les pays. S'il aurait été appréciable de compter plus de tatoueurs au sein de la commission française, nous avons au moins eu la chance de les y voir représentés ; la plupart des pays (excepté notamment l'Allemagne) comptaient exclusivement des médecins, des experts sanitaires et/ou des fonctionnaires de l'État. L'influence de la France semblait primordiale pour peser sur l'équilibre alors formé par l'Allemagne (règles similaires à la France), les Pays-Bas (règles plus strictes) et le Royaume-Uni (minimaliste).
C'est donc au terme de 6 mois de débats et de recherche de financements (car les travaux ont un coût très élevé !) entre les différents participants potentiels que la France a décidé de s'engager sur ces travaux, et donc de mettre en place sa commission AFNOR pour envoyer ses représentants défendre les positions françaises auprès du Comité Européen.
Les travaux menés pendant 5 ans représentent ainsi de nombreuses heures de discussions au sein même de la commission française, où chaque participant présente des enjeux qui lui sont propres (les objectifs sont différents pour une association professionnelle comme le SNAT et pour un organisme de formation par exemple) : Obtenir un consensus avec des tatoueurs, des distributeurs, des professionnels de santé, des autorités publiques et des organismes de formation était en soi un challenge ; Défendre ensuite les positions françaises auprès des autres pays européens a souvent été un réel défi pour les représentants de notre commission.
Rappelons aussi que chaque citoyen européen a été appelé à participer à la consultation publique en 2017 !
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3° QUEL EST LE RÔLE DU SNAT DANS CETTE NORME ?
Le SNAT représente un maillon de la commission française, et dispose d'une voix équivalente à tout autre membre de la commission : Il a été sollicité dès août 2014 par l'AFNOR pour prendre part à cette commission, non seulement en tant que participant actif (réunions annuelles et travaux de lecture, de recherches et d'analyses) mais également en tant que membre financeur.
La norme pouvait alors se faire avec... Ou sans le SNAT.
Considérant :
- l'avis de nos adhérents,
- l'engagement de la DGS (Direction Générale de la Santé, Ministère de la Santé),
- la présence de participants privés ayant un enjeu économique à financer et influer sur le contenu de la norme (école, distributeurs ou autres prestataires),
le SNAT a fait le choix de s'engager dans cette commission afin de confirmer sa position d'interlocuteur privilégié des autorités réglementaires, et ne pas laisser la voix de discussion aux seuls autres acteurs privés.
Ce choix difficile, en regard d'un coût dont nous nous serions volontiers passés, nous a finalement permis de défendre des intérêts communs :
- faire entendre notre voix,
- disposer d'un référentiel sanitaire standardisé au sein de l'Europe,
- faciliter la circulation des tatoueurs sur tout le continent,
- défendre nos propres règles, moyennant des adaptations utiles si nécessaire.
Pendant 5 ans, le SNAT a ainsi :
- travaillé au sein de la commission française (réunions physiques et par téléphone),
- participé aux travaux de rédaction et de documentation,
- défendu des principes sanitaires et contesté certaines exigences (certains ayant ensuite été écartés, d'autres adoptés par la commission puis par le comité européen),
- pris en charge partiellement les coûts de la commission AFNOR (prélèvement sur la cotisation annuelle de nos adhérents, sans participation supplémentaire).
Les tatoueurs s'étant peu manifesté (malgré des appels à contribution réguliers) au sein de la commission française, le SNAT a défendu autant que possible leurs intérêts vis-à-vis de ceux d'autres participants comme les distributeurs, l'Etat et les organismes de formation.
L'implication du SNAT a par ailleurs consolidé le lien avec la DGS sur les questions sanitaires : Notre participation au projet de norme européenne est donc doublement utile pour l'avenir de nos pratiques en France.
Notre syndicat compte notamment sur l'harmonisation future des règles de formation (hygiène et salubrité), sur la base des principes définis par la norme européenne, afin que les tatoueurs puissent à l'avenir travailler dans toute l'Europe avec une formation unique et commune à tous.
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4° EN TANT QUE PROFESSIONNEL, À QUOI ME SERT CETTE NORME ?
La norme FprEN 17169 est un document de référence et peut constituer au choix :
- a minima une référence pour vos pratiques professionnelles (sans pour autant décider de vous y conformer à 100%) ;
- un moyen de valoriser vos pratiques sanitaires auprès du public, dans le cas où vous décidez de vous engagez à vous conformer à la norme dans son intégralité ;
- un outil de certification, également applicable dans les 34 pays membres du CEN.
Il existe 3 moyens/niveaux pour un professionnel de revendiquer la conformité de son établissement à la norme :
1. Auto-déclaration
Gratuit, hors coût d'achat de la norme (moins de 120 euros HT pour 1 utilisateur).
Le professionnel s'engage à respecter et suivre les exigences et recommandations de la norme. En cas de non-respect d'un ou plusieurs éléments de la norme, il peut être sanctionné pénalement pour "pratique commerciale trompeuse" suivant le Code de la consommation.
2. Audit par un tiers (prestataire)
Coût variable.
Le professionnel demande à un prestataire extérieur de contrôler son établissement à un instant T afin de lui délivrer une attestation de conformité. Cette vérification de conformité n'est donc pas suivie dans le temps.
3. Certification
Coût variable selon organisme et taille de la structure à certifier.
À la différence d'un simple audit, la certification est établie par un organisme accrédité (par le Cofrac) pour une durée de 3 ans. Au-delà de cette durée, la certification n'est plus valable et doit être renouvelée.
Le SNAT, en tant qu'acteur de la norme, veillera à apporter à ses adhérents des réponses complémentaires autant que possible.
(!) Il n'a vocation ni à contrôler les professionnels, ni à devenir un organisme certificateur : Chaque professionnel reste responsable du choix d'un éventuel prestataire ou organisme certificateur.
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5° SI JE NE SOUHAITE PAS SUIVRE LA NORME EUROPÉENNE...
Rien ne vous y oblige : Votre seule obligation est de respecter la loi et les réglementations nationales en vigueur.
Tous règlements et lois peuvent évoluer : Notre réglementation sanitaire datant de 2008, elle sera inévitablement amenée à être modifiée, voire renforcée, dans les mois ou années à venir. C'est pourquoi le SNAT maintient un rapport direct et continu avec la DGS (Ministère de la santé), afin que nous puissions être consultés sur toute intention de faire évoluer la réglementation actuelle, et savoir quel impact la norme européenne pourra avoir sur cette évolution. Seules 1% des normes volontaires sont d'application obligatoire.
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6° QUELLES SONT LES EXIGENCES DE LA NORME PAR RAPPORT AUX RÈGLES FRANÇAISES ACTUELLES ?
Les exigences de la norme sont détaillées dans un document d'une cinquantaine de pages : Seul l'achat du document (papier ou numérique) permet d'accéder à son contenu. Le SNAT, comme tout membre de la commission ou du comité européen, n'est pas autorisé à diffuser ce contenu (disponible à l'achat).
La norme apporte aux tatoueurs à la fois des exigences en matière d'hygiène, et des recommandations pour leurs échanges avec les clients et les autorités publiques, ainsi que sur les procédures à suivre pour garantir une protection optimale au client et à toute personne présente dans l'environnement de travail.
NB. Il ne s'agit pas d'une norme visant les encres ou les produits de tatouage (lesquels faisant l'objet d'autres travaux européens) !
La plupart de ces exigences et recommandations rejoignent celles déjà requises par la réglementation en vigueur, mais sont parfois plus précises, développées et documentées. Certaines exigences de la norme sont supérieures aux règles actuelles. À titre d'exemples significatifs très différents, on peut citer l'exigence de stérilité pour les caps, la signature systématique d'un formulaire de consentement, ou encore la tenue d'un manuel de procédures. Les grands chapitres et les annexes composant la norme sont notamment (non exhaustif) :
- Responsabilité du propriétaire ou de l'exploitant de l'établissement
- Installations
- Nettoyage, désinfection et stérilisation du matériel et des locaux
- Déroulement du tatouage
- Cadre de base pour la formation pour la prévention et la maîtrise des infections
- Formulaire de consentement
- Soins post-tatouage
- Hygiène des mains
Il est important d'insister enfin sur la distinction entre exigences (= absolument requises pour se conformer à la norme) et recommandations (= facultatives).
Les instructions et méthodes décrites dans les différentes annexes sont elles-mêmes soit normatives (= exigences), soit informatives (= recommandations). Lorsqu'elles sont informatives, elles peuvent être adaptées ou modifiées, dans la mesure où les exigences et règlementations en vigueur sont respectées.
C'est aussi l'usage de la norme dans le temps et son éventuelle influence parmi les professionnels qui permettront de faire évoluer les pratiques actuelles et contribueront à définir les standards futurs...
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Lien vers cet article : http://www.snat.info/articles/31334-norme-europeenne-quelles-consequences-sur-les-activites-de-tatouage
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